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Comment le président Macky Sall s’est replacé au centre du jeu politique et a plongé le Sénégal dans l’incertitude

« Je quitte le pouvoir avec un sentiment de soulagement après douze ans à la tête du pays. J’ai vécu une aventure politique exceptionnelle », confiait Macky Sall au Monde lors d’un soir des derniers jours de décembre. Le chef de l’Etat sénégalais fignolait alors sereinement ce qui devait être son dernier discours avant sa sortie de la présidence. Le 31 décembre, comme convenu, l’adieu fut long et solennel.
Dès lors, quand samedi 3 février, le président réapparaît sur les écrans le visage grave, la stupeur s’empare du pays. Après avoir évoqué les accusations de corruption qui visent le Conseil constitutionnel, il annonce avoir abrogé le décret convoquant le corps électoral le 25 février. Sans jamais prononcer le mot de « report », il vient de provoquer un séisme politique. Jamais, depuis 1963, une présidentielle a été repoussée au Sénégal. A quelques heures de l’ouverture de la campagne, la nation se trouve plongée dans l’incertitude. La rumeur d’un report de l’élection avait plané pendant des mois, elle est devenue réalité.
Après les violences de mars 2021 puis de juin 2023, consécutives aux condamnations du principal opposant Ousmane Sonko, certaines autorités religieuses, des opposants et même des ténors de la majorité en avaient défendu l’idée. « Leur argument consistait déjà à dire qu’il fallait pacifier le pays avant d’organiser une élection. Sans quoi, des troubles risquaient d’éclater. Cela s’est accentué après la décision du président de ne pas briguer un troisième mandat », explique Moussa Diaw, enseignant chercheur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis.
Le renoncement de Macky Sall en juillet a semble-t-il désorienté son parti où nombre de cadres soutenaient une nouvelle candidature du président. Ceux-ci se sont d’ailleurs opposés à la désignation par le chef de l’Etat du premier ministre Amadou Ba comme candidat du pouvoir. Encarté en 2017 à l’Alliance pour la République (APR), le parti présidentiel, ce dernier n’est jamais parvenu à faire consensus autour de sa personne. Sa campagne peine à mobiliser. Pour ses détracteurs, souvent dans l’entourage de la première dame, le maintien de sa candidature condamnait le pouvoir à une défaite.
« Les sondages [commandés par le pouvoir] le donnaient perdant face à Bassirou Diomaye Faye [le candidat désigné par Ousmane Sonko pour le remplacer], dont le parti a promis de faire la lumière sur la mauvaise gouvernance du régime en place s’il est élu, analyse Moussa Diaw. Le pouvoir s’est retrouvé d’autant plus inquiet que la candidature Diomaye Faye a été validée par le Conseil constitutionnel malgré la dissolution de son parti. Ce report est une manœuvre politique car il n’y a pas de crise avérée, ni de blocage institutionnel. Le pouvoir a créé une crise factice pour reporter l’élection. »
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